La note d’intention : pour quoi faire ?

Quatrième article de notre série consacrée à l’écriture scénaristique. Cliquez ici pour découvrir les précédents.

Par Marine Gral, consultante scénario en région lyonnaise.

Comme le scénario ou le synopsis, la note d’intention est un outil de travail important. Il s’agit le plus souvent d’une lettre, relativement personnelle, que l’auteur adresse à ceux qui pourrait s’intéresser au projet. C’est donc un des éléments principaux qui servira à tenter de convaincre un producteur de financer la production du film par exemple. En effet, pour compléter le scénario et donner à voir sa vision du film, le scénariste a tout intérêt à présenter son projet à l’écrit par le biais de la note d’intention.

Elle peut ainsi servir de porte d’entrée pour un producteur, mais c’est aussi vrai pour ceux qui choisissent l’autoproduction, car les comités de sélection de Festivals, et les commissions qui accordent les subventions, s’appuient aussi sur ce document. Le plus souvent, lorsque l’on remplit un dossier pour demander une aide (au CNC, à une collectivité locale ou une région, à une chaine de télévision…), la note d’intention est une des pièces principales qui est demandée. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’un scénario étant un document finalement plutôt formel et factuel, il est bon de l’accompagner d’un texte plus libre, permettant au scénariste d’exprimer son point de vue tant artistique que sur le plan technique. On peut pousser plus loin en disant que pour un même scénario, plusieurs films pourraient voir le jour ; ils raconteraient certes la même histoire, mais pourraient avoir une ambiance totalement différente selon les envies de l’auteur : l’un en noir et blanc sans aucune musique, un autre muet avec des cartons pour les dialogues et des couleurs très vives. Évidemment ces exemples sont un peu extrêmes, toutefois, sans les indications précises de l’auteur sur son futur film, comment percevoir sa vision ? Ne vous êtes-vous jamais fait la réflexion, devant un écran de cinéma : « ça je ne l’aurais pas vu/réalisé/mis en scène/éclairé/filmé comme ça »[1] ? Personne ne peut entrer dans la tête de l’auteur et voir le film qui s’y joue lorsqu’il l’écrit. Ainsi, lorsqu’un réalisateur prend le relai sans avoir écrit lui-même un scénario, il peut, grâce à la note d’intention, mettre en images la vision du scénariste.

Rédiger une note d’intention est un exercice qui peut s’avérer laborieux, c’est bien souvent la bête noire des scénaristes. Elle doit être construite, claire, bien rédigée et présentée, des points qui semblent évidents et qui sont pourtant souvent négligés. Il ne s’agit pas de résumer le scénario, bien que quelques lignes puissent situer le contexte de l’action du film. Plutôt que des tartines indigestes, un texte court et divisé en plusieurs points (les titres peuvent s’avérer utiles pour le structurer et guider le lecteur suivant les thèmes évoqués) montre immédiatement le recul qu’à l’auteur sur son projet et ses capacités à le mener plus loin. Le scénario doit évidemment être compréhensible en lui-même – la note d’intention n’est pas une explication de texte, une notice, ou un manuel d’utilisation –, mais certains points peuvent tout à fait être éclairés un peu plus (les rapports entre les personnages, leur caractère, le choix d’une héroïne plutôt que d’un héros par exemple). Le thème du film et son genre sont en revanche des éléments qui trouvent leur place dans la note d’intention, cela permet à l’auteur de justifier le traitement de l’histoire qu’il a choisi de mettre en place (dramatique, comique, sombre, joyeux…). Cela peut aussi être le bon moment pour évoquer de potentielles sources d’inspiration ou des films à l’ambiance similaire, pour donner au lecteur des exemples concrets de l’atmosphère envisagée. Enfin, il peut être intéressant (mais pas indispensable) de montrer qu’une réflexion a été menée sur le type de publics qui pourraient être intéressés par le film.

Outre une présentation du projet, de ses inspirations, références et/ou de ses sources (actualité, histoire personnelle, inspirations littéraires…), la note d’intention doit comprendre quelques éléments indispensables que ce soit sur le fond ou la forme du futur film, comme des indications sur le son, le montage, l’image… L’auteur n’a pas besoin de détailler chaque thématique, car il aura l’occasion de développer ses choix par la suite, une fois le travail engagé avec le producteur. D’autant que certaines de ses prévisions (ou désirs) ne seront pas forcément possibles à mettre en place, souvent pour des questions de budget. Il faut néanmoins donner une bonne idée du traitement de l’image : comment le projet sera filmé (caméra très mobile/caméra fixe, nombreux travellings, échelles de plans…) ? Quels sont les éclairages envisagés (lumière naturelle/artificielle…) ? Y aura-t-il un travail particulier de la couleur ? Quels décors sont prévus (studio/intérieurs/décors naturels) ? De même pour le jeu des acteurs et la mise en scène : Quelle sera la mise en scène ? Quels acteurs sont envisagés (attention à être réaliste). Et enfin, donner une idée de ce que pourrait être le montage du film.

 Les points à aborder concernant l’univers ou l’ambiance peuvent être nombreux et il ne faut pas non plus que la note d’intention ne devienne une énumération de termes techniques, rendant le texte indigeste ; ce n’est pas non plus un découpage technique. Elle doit contenir juste assez d’informations pratiques pour éclairer sur les moyens nécessaires à la réalisation du film, mais aussi des éléments artistiques (cinématographiques) justifiés par l’auteur. Il faut également retrouver une certaine cohérence globale des choix pour montrer qu’on ne « part pas dans tous les sens », mais que le projet est sur des rails solides, que l’on a une idée claire et réalisable en tête. Elle est donc d’autant plus essentielle que les producteurs (entre autres) reçoivent des centaines de scénarios et ne se lanceront pas dans un projet flou qui ne semble pas abouti dans l’esprit de son créateur. Grâce à son expertise, le producteur, en lisant la note d’intention, doit être capable d’imaginer le budget approximatif du film et de décider s’il veut rencontrer l’auteur pour peut-être collaborer. Ce document permet également (je dirais même surtout) à l’auteur de justifier ses choix. S’ils semblent osés ou opaques, c’est le moment de les argumenter, de défendre ses idées, sa vision. Bien souvent, pour arriver à se faire une idée rapide d’un projet, le producteur ne pourra lire que le synopsis et la note d’intention. Il s’agit donc d’être convaincant, précis et, pourquoi pas, original.

De nombreux sites proposent des exemples de notes d’intention types qui peuvent aider pour débuter. Mon conseil est surtout de rester simple et soi-même – il s’agit d’une première prise de contact, au même titre qu’une lettre de motivation par exemple, autant se montrer tel que l’on est. Une seule page bien rédigée et qui montre clairement que l’auteur maitrise son scénario, l’a réfléchi et est prêt à passer à l’étape suivante est bien suffisante, plutôt qu’un exposé en vingt points sur un sujet d’actualité qui a vaguement inspiré le récit. Ce document n’est pas un pamphlet politique, pas non plus une œuvre poétique, ni un examen scolaire (dissertation). Il doit souligner la maturité du projet et de son créateur par rapport à lui. Il va sans dire que cette lettre ne doit être rédigée que lorsque l’auteur estime que son scénario en est à la dernière version (ce qui, si vous avez lu mes précédents articles, n’est jamais vrai, puisque le scénario est amené à changer tant que la production n’est pas achevée). Et comme toujours, faites relire votre note d’intention pour éliminer les fautes et les incohérences qui font mauvais effets lors de la lecture !


[1] C’est d’autant plus vrai dans le cas d’une adaptation.


L’auteure

Marine Gral est membre du « comité de lecture de scénario » de l’association L’Accroche Scénaristes (Lyon) et de son Conseil d’Administration. Passionnée depuis toujours par le cinéma, elle est diplômée d’un Master Arts de l’écran et d’un Master professionnel en Coproduction internationale d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles (Université de Strasbourg). Grâce à ses connaissances théoriques et pratiques (lecture de scénarios et analyse de films, rédaction et composition de dossiers de demande de subvention), elle souhaite tout particulièrement aider les scénaristes dans leur processus de création (relecture, réécriture, travail de script doctor), mais aussi les guider dans la composition de leur dossier de production.