Trouver des collaborateurs : on met quoi dans un bon dossier ?

Nous poursuivons cette semaine notre série d’articles à l’usage des scénaristes. Cliquez ici pour découvrir les précédents sujets pour vous aider à faire aboutir vos projets !

Par Marine Gral, consultante scénario en région lyonnaise.

Une fois que le scénario est prêt et que la note d’intention est rédigée, qu’est-ce qu’on fait ? Le premier réflexe d’un auteur débutant est souvent d’inonder toutes les boites aux lettres et/ou boites mails des producteurs de la ville (voire du pays), pour être certains d’avoir ratissé assez large. Plutôt que cette « bouteille à la mer », il est nettement préférable de s’armer d’un peu de patience et d’étudier les différentes sociétés de production de plus près. En dégageant notamment leur ligne éditoriale[1] (si elles en ont une) ou leurs spécificités[2], grâce à ce travail de recherches, l’auteur peut ainsi éliminer toutes celles qui ne sont pas concernées ou ne seront a priori pas intéressées par son projet. Ce premier tri effectué, le scénario et la note d’intention peuvent être envoyés aux sociétés sélectionnées. Néanmoins, une des meilleures façons de rencontrer des collaborateurs (réalisateurs, équipes techniques) et des producteurs est de donner de la visibilité à son projet. Vous pouvez pour cela soumettre votre projet à une demande de subvention (bourses de réécriture, résidences d’auteurs…) ou vous rendre aux différents évènements organisés autour du scénario ou plus généralement du cinéma (rencontres, festivals). En effet, dans certains festivals, les scénaristes ont la possibilité de pitcher[3] leur projet devant un public composé en partie de producteurs et de professionnels du cinéma. Il est même parfois possible d’accéder à une rencontre en tête à tête avec un ou plusieurs d’entre eux, en tant que récompense (prix gagné à un festival par exemple), lors de certains évènements. À ce moment-là, il faut absolument être bien préparé, afin de mettre toutes les chances de son côté.

Pour ce faire, un bon dossier est donc primordial. En effet, même si le scénario et la note d’intention sont deux des éléments principaux que vous devez pouvoir présenter, pour montrer que votre projet est abouti, d’autres documents peuvent vous aider. Le synopsis sera d’ailleurs préféré au scénario entier, car, moins long, il permet, dans le cadre d’une première lecture, de se faire une bonne idée du récit.

Vous pouvez également joindre à ce dossier un CV, notamment si vous avez déjà écrit ou réalisé des films, primés ou non, diffusés en salles ou en festivals, par exemple. Cela met évidemment en avant votre professionnalisme et votre sérieux, puisque vos précédents projets ont abouti et, s’il s’agit de collaboration, de votre capacité à travailler avec une équipe de tournage par exemple. Si vous manquez d’expériences cinématographiques à mettre sur votre CV, si vous êtes uniquement scénariste et n’avez participé à aucun tournage, ou si vous débutez, pas de panique. Les producteurs – et notamment ceux qui se déplacent pour les rencontres – sont aussi à la recherche de nouveaux talents !

Pour certains, mettre par écrit ses intentions est un exercice difficile (nous l’avons évoqué à propos de la note d’intention). Il est vrai que le cinéma étant une expérience principalement visuelle (et sonore), vous avez peut-être écrit votre scénario la tête remplie d’images. Pourtant, lorsqu’il s’agit de les exprimer à l’écrit, vous ne parvenez peut-être pas à retranscrire l’ambiance que vous aviez imaginée précisément. Le moodboard ou moodbook peut alors vous aider à rendre compte des couleurs, images et ambiances que vous aviez en tête. Vous pouvez en effet rassemblez les photos, images et échantillons de couleurs qui vous semblent utiles pour montrer votre vision du film. Il peut s’agir de costumes, de décors, de nuanciers de couleurs, d’extraits d’autres films… Le moodboard/moodbook et le scénario devant être complémentaires et non pallier les manques l’un de l’autre, il faut néanmoins veiller à ce que le premier illustre le second, qui doit être – et j’insiste – suffisant en lui-même (le scénario doit déjà rendre compte de l’ambiance générale). Le moodboard/moodbook est un complément, mais ne doit pas être indispensable à la compréhension du scénario, c’est d’ailleurs un document facultatif. Vous pouvez également le présenter comme vous le souhaitez : sous forme de tableau (peu pratique à joindre au dossier pour l’envoi toutefois), de classeur, sur une seule page… Laissez parler votre créativité.

Enfin, toujours le même conseil, mais peut-être le plus important : relisez-vous et faites vous relire. Veillez à ce que la présentation de votre dossier soit claire et simple. Le texte doit être justifié et les pages numérotées, cela aide vraiment à la lecture. La longueur du dossier ne fait pas sa qualité, surtout s’il s’agit de « remplissage » (notamment concernant les éléments visuels). Montrer que l’on connait bien son scénario et que l’on est capable d’argumenter ne signifie pas remplir des pages pour donner son point de vue sur tout et rien. Recentrez-vous sur le projet, imaginez- vous qu’on vous le pitche et qu’on vous le présente avec ce dossier. Vous serez ainsi capable de vous rendre compte vous-même de ses qualités et défauts. Il est aussi nécessaire de garder en tête que les producteurs et autres collaborateurs que vous pourrez rechercher, comme les réalisateurs par exemple, sont avant tout majoritairement des passionnés de cinéma. Votre but à tous est donc le même : faire des films. Il est important de voir ces collaborateurs de façon positive plutôt que comme des tyrans qui vont brider votre imagination (producteur près de ses sous), qui vont pervertir votre œuvre (réalisateur avec une vision du projet opposée à la vôtre), qui vont tenter de formater votre film (commission de subvention qui n’aident que les mêmes types projets) … Toutes ces idées reçues et ces fantasmes ne vous aideront pas à avancer et à trouver des collaborateurs motivés qui se lanceront dans l’aventure avec vous. Il suffit pour constater cela de vous rendre aux rencontres qui sont organisées entre les différents acteurs du milieu (réalisateurs, scénaristes, techniciens) dans la plupart des grandes villes, généralement grâce au travail associatif. Un réseau de collaborateurs, amateurs ou professionnels, compétents et impliqués, sera toujours une carte de plus dans votre main.


[1] La ligne éditoriale d’une société peut être de ne produire que des films (ou la majorité) d’un genre par exemple (documentaire/fiction, science-fiction, drame social, comédie, film historique…). Cela peut aussi concerner un ou plusieurs thèmes sur lesquels la société préfère axer sa production (actualités, Histoire d’un pays…).

[2] Certaines sociétés ne produisent que des courts métrages ou bien des films d’animation. D’autres s’orientent vers des coproductions avec l’international, ou encore des types de projets particuliers, comme des téléfilms, des webdocumentaires, ou encore le transmédia.

[3] Présentation orale courte destinée à mettre en valeur les points positifs et les plus pertinents de son projet.


L’auteure

Marine Gral est membre du « comité de lecture de scénario » de l’association L’Accroche Scénaristes (Lyon) et de son Conseil d’Administration. Passionnée depuis toujours par le cinéma, elle est diplômée d’un Master Arts de l’écran et d’un Master professionnel en Coproduction internationale d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles (Université de Strasbourg). Grâce à ses connaissances théoriques et pratiques (lecture de scénarios et analyse de films, rédaction et composition de dossiers de demande de subvention), elle souhaite tout particulièrement aider les scénaristes dans leur processus de création (relecture, réécriture, travail de script doctor), mais aussi les guider dans la composition de leur dossier de production.